Cour d'appel du Québec

Daumec c. Ville de Montréal

Schrager, Hamilton et Beaupré

Appel d’un jugement de la Cour du Québec ayant accueilli une demande en irrecevabilité des intimés fondée sur la prescription. Rejeté.

Le 28 juillet 2012, l’appelant a été violemment arrêté par un policier de la ville intimée. Le 7 février 2013, il a porté plainte auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Le 8 août 2014, celle-ci a communiqué à l’appelant un refus d’agir en sa faveur au motif que son action serait prescrite en vertu de l'article 586 de la Loi sur les cités et villes (RLRQ, c. C-19). Le 22 septembre suivant, l’appelant s’est pourvu en contrôle judiciaire à l'encontre de cette décision. Le 11 octobre 2016, une transaction est intervenue entre la Commission et l’appelant. En échange d'une compensation financière, l'appelant a accepté de se désister de son pourvoi, ce qu'il a fait le 18 octobre suivant. Le 4 octobre 2019, ce dernier a intenté une action en réclamation de dommages-intérêts contre les intimés devant la Division des petites créances de la Cour du Québec. Le 7 février 2020, il a introduit un nouveau recours, cette fois devant la Chambre civile de ce tribunal. Le juge de première instance a accueilli la demande en irrecevabilité des intimés fondée sur la prescription de ce recours, intenté plus de 7 ans après les événements.

Selon l’article 76 de la Charte des droits et libertés de la personne (RLRQ, c. C-12), la plainte de l’appelant à la Commission a pour effet de suspendre la prescription de son recours civil contre les intimés jusqu’à la date où il est notifié que celle-ci refuse d’agir pour lui. La prescription du recours civil de l’appelant a ainsi été suspendue pour une période de 18 mois. D'autre part, nonobstant le libellé de l’article 76 de la charte, l'effet du pourvoi en contrôle judiciaire de la décision de la Commission est de continuer la suspension résultant de la plainte jusqu’au moment où la Cour supérieure aura confirmé ou infirmé la validité de cette décision. Toutefois, comme le pourvoi a été réglé par la transaction du 11 octobre 2016, cet argument ne peut ajouter que 26 mois à la suspension, pour un total de 44 mois. Comme le délai total entre le début de la période de prescription et le recours civil est d’au moins 86 mois, une suspension de 44 mois réduit cette période à 42 mois, ce qui est insuffisant pour éviter la prescription de 3 ans (art. 2930 du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64) (C.C.Q.)).

Or, l'appelant a tort d'affirmer que, en vertu de l’article 2896 C.C.Q., l'interruption de la prescription s’est poursuivie jusqu’au règlement du pourvoi en contrôle judiciaire. D'une part, le pourvoi n’était pas un recours contre les intimés. D'autre part, le législateur a décidé que la plainte à la Commission avait pour effet de suspendre la prescription. Dès lors, il serait incongru de conclure que, puisque l’appelant a intenté un pourvoi en contrôle judiciaire à l'encontre de la décision de la Commission, il bénéficie soudainement de l’interruption prévue à l’article 2892 C.C.Q., de sorte que les intimés perdent le bénéfice de la période déjà écoulée entre l’arrestation de l’appelant et sa plainte à la Commission (soit une période de 6 mois et 10 jours).

Enfin, les intimés ne sont pas des parties à la transaction. En conséquence, même si celle-ci comprenait une reconnaissance d’un droit de l’appelant, ce qui est contesté, cette reconnaissance proviendrait de la Commission et non des intimés et ne pourrait leur être opposable. Le délai de prescription n'a donc pas été interrompu en vertu de l'article 2898 C.C.Q.

 

Législation interprétée : article 76 de la Charte des droits et libertés de la personne

 

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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