Cour d'appel du Québec

Côté c. R.

Gagnon, Gagné, Lavallée

Requête en autorisation d’interjeter appel de la peine. Accueillie. Appel. Accueilli en partie.

Le requérant a été déclaré coupable d’agression sexuelle à l'endroit d'une mineure. Son avocat désire contester la décision interlocutoire rendue par la juge de première instance, laquelle a rejeté sa demande de rouvrir l’enquête pour permettre de présenter une preuve sur l’état mental du requérant en vue d’obtenir une ordonnance afin de déterminer son aptitude à recevoir sa peine. La juge a ensuite imposé une peine de 5 ans d’emprisonnement à ce dernier.

La définition de l’«inaptitude à subir son procès» contenue à l’article 2 du Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46) (C.Cr.) et le libellé des articles 672.11 a) et 672.23 (1) ne laissent guère place à interprétation: le régime ne vise que la situation de l’accusé dont l’aptitude est mise en cause avant le verdict. Le juge chargé de déterminer la peine est ainsi mis dans une situation intenable lorsqu’un problème de santé mentale est invoqué au stade de la peine. Toutefois, le silence de la loi ne saurait diminuer les garanties constitutionnelles conférées à un inculpé. En effet, les mêmes normes relatives à la capacité cognitive de l’accusé s’appliquent tout au long des procédures judiciaires. Le juge de la peine demeure tenu de s’assurer que toutes les procédures se déroulent devant un délinquant présent mentalement. Au stade de la peine, l’accusé, maintenant appelé délinquant, jouit donc du même droit de voir déterminer l’existence de motifs raisonnables de croire que son aptitude est en jeu. Par ailleurs, le pouvoir d’enquête du juge, qui repose sur son pouvoir discrétionnaire résiduel d’assurer une audience équitable, s’exerce à toutes les étapes des procédures criminelles.

En somme, si la question de l’aptitude du délinquant se pose au stade de la détermination de la peine, il faut y répondre à la première étape selon la norme des «motifs raisonnables de croire». Le juge aura alors 2 possibilités. La première réside dans la conclusion selon laquelle il n’y a pas de motif raisonnable de croire que l’aptitude du délinquant nécessite d’être examinée. Les procédures inhérentes à la détermination de la peine suivront alors leur cours. Dans le cas contraire, la question de l’ordonnance d’évaluation sera alors soulevée. Cette dernière n’est pas prévue par la loi au stade de la peine. Quant au pouvoir d’un juge de la Cour du Québec de suspendre l’application de certaines dispositions jugées inconstitutionnelles, il ne comprend pas celui de créer un droit positif en guise de réparation.

Toutefois, si un juge de la Cour du Québec possède des motifs raisonnables de croire qu’une preuve concernant l’état mental du délinquant est nécessaire pour déterminer son aptitude à recevoir sa peine, les articles 721 et 723 (3) C.Cr. lui confèrent le pouvoir de requérir un rapport comportant un volet principal sur son état de santé mental de la nature d’une évaluation psychiatrique. Si celle-ci conclut à l’inaptitude du délinquant, la seule solution alors envisageable est la suspension de l’instance puisque, d’une part, le principal intéressé n’a pas accès au régime prévu à la Partie XX.1 du code (art. 672.1 à 672.95 C.Cr.) et que, d’autre part, les procédures portant sur la détermination de la peine ne pourraient se poursuivre sans enfreindre ses droits constitutionnels. La suspension de l'instance devrait intervenir seulement si la preuve démontre que l’inaptitude du délinquant ne pourra se résorber à l’intérieur d’un délai raisonnable. Si l’inaptitude du délinquant ne s’avérait que passagère, le prononcé de la peine devrait être reporté, le temps pour lui de recouvrer dans un délai raisonnable un état de santé mentale suffisant. En cas de suspension, il appartiendra alors au régime civil en matière de soins de la personne d’intervenir.

En l’espèce, la juge aurait dû rouvrir l’enquête pour permettre une audience officielle de façon à vérifier les allégations de l’avocat du requérant à propos de l’inaptitude de son client. Il y a donc lieu de retourner le dossier devant la Cour du Québec.

 

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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