Cour d'appel du Québec

Commission de protection du territoire agricole du Québec c. Lapointe

Schrager, Baudouin, Hardy

 

Demande pour permission d'appeler de bene esse. Appel à l'encontre d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté un moyen déclinatoire. Accueillis.

Dans le contexte d'une demande de partage d'un immeuble détenu en copropriété indivise présentée par l'intimé contre les mises en cause, le juge de première instance a conclu que la définition que l'article 1 paragraphe 3 de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (RLRQ, c. P-41.1) donne au mot «aliénation» n'inclut pas le partage judiciaire. Selon le juge, les articles 29 et 58 de la loi ne sauraient être interprétés comme retirant à la Cour supérieure la compétence pour entendre une demande visant à mettre fin à l'indivision lorsque le bien devant faire l'objet d'un partage en nature est une terre agricole. L'appelante soutient que le jugement entrepris a pour effet de créer une dualité de régimes en matière de partage en nature: celui qui est consensuel et celui qui est judiciaire. Le premier requerrait son autorisation, mais non le second.

Afin de répondre à la question en litige, le juge aurait d'abord dû analyser le texte de la définition du mot «aliénation» se trouvant à la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, dans laquelle figure le mot «partage». Sont ensuite exclus, aux paragraphes a), b) et c), la transmission pour cause de décès, la vente forcée et la prise en paiement. Deux conclusions s'imposent alors, la seconde confirmant la première.

D'une part, le législateur n'a pas qualifié le partage de consensuel ou de judiciaire. De plus, les actes juridiques exclus par les paragraphes a), b) et c) ne sont pas des contrats consensuels. Si la définition du mot «aliénation» n'avait pour seul objet que les opérations consensuelles, ces exclusions auraient été inutiles. Or, le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Suivant le texte même de la définition du mot «aliénation», le partage judiciaire en nature est donc une aliénation au sens de la loi.

D'autre part, une interprétation centrée sur la finalité de la loi, qui est d'assurer la pérennité d'une base territoriale pour la pratique de l'agriculture, suggère que le législateur n'a pas voulu établir une distinction entre les 2 types de partage ou, autrement dit, créer une dualité de régimes.

Par ailleurs, les mots «partage» et «déclaratif de propriété» que l'on trouve aujourd'hui dans la définition du mot «aliénation» n'en faisaient pas partie lorsque la loi a été sanctionnée, en 1978. Le législateur les a ajoutés en 1982 à la suite du jugement de la Cour supérieure dans l'affaire Ouellet c. P.G. du Québec (C.S., 1980-07-11), 200-05-000747-803. Ce tribunal s'était alors demandé si un partage à l'amiable était un acte translatif ou plutôt déclaratif de propriété. Le législateur a choisi de résoudre la question en apportant 2 modifications. D'abord, en incluant la notion d'«acte déclaratif» dans la définition d'«aliénation» et ensuite en ajoutant le mot «partage» à l'énumération qui s'y trouve. Ainsi, la brèche qui a avait été mise en relief par le requérant Ouellet, soit celle de la dualité de régimes, venait d'être colmatée. Ces modifications dissipent tout doute quant au fait qu'un partage en nature, qu'il soit judiciaire ou consensuel, est une aliénation au sens de la loi.

Il y a donc lieu de conclure que le partage demandé aurait dû être autorisé par l’appelante avant que la demande introductive d'instance ne soit produite au greffe de la Cour supérieure. En effet, les tribunaux de droit commun ne peuvent usurper la compétence que le législateur a confiée à l’appelante d’autoriser une aliénation en zone agricole autrement prohibée par la loi.

 

Législation interprétée: article 1 paragraphe 3 de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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