Cour d'appel du Québec

Comité paritaire des boueurs de la région de Montréal c. Cascades Canada

Dutil, Mainville, Moore

 

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande en jugement déclaratoire. Accueilli.

L'intimée ramasse les matières recyclables de ses clients en vertu de contrats qui prévoient qu'elle en devient propriétaire dès leur chargement dans son véhicule. Le juge de première instance a rejeté la demande du comité paritaire appelant qui souhaitait faire reconnaître que le travail des salariés de l'intimée assignés à la collecte et au transport de matières recyclables est soumis au Décret sur l'enlèvement des déchets solides de la région de Montréal (RLRQ, c. D-2, r. 5). Le juge a conclu que, puisque le décret ne prévoit pas de définition du terme «employeur» dont le critère serait fondé sur la «nature» ou le «genre» de travail qu'effectuent les salariés, le critère de la nature du travail reconnu par la jurisprudence importait moins en l'espèce. Selon le juge, les termes «pour autrui», se trouvant à l'article 2.02 du décret, et «ses déchets», à l'article 2.03 c), étaient au centre du débat. Puisque l'intimée achète les matières et en est donc propriétaire, le juge a conclu qu'elle n'agit pas pour autrui, mais bien pour elle-même, afin d'alimenter ses propres activités.

La Cour suprême du Canada a reconnu dès 1944 que l'application du décret doit reposer sur le critère de la nature du travail effectué par les salariés (Comité paritaire de l'industrie de l'imprimerie de Montréal et du district c. Dominion Blank Book Co. (C.S. Can., 1944-05-15), [1944] R.C.S. 213). L'appelant n'a pas tort de reprocher au juge d'avoir écarté ce critère. Si le décret ne contient pas de définition du terme «employeur», la Loi sur les décrets de convention collective (RLRQ, c. D-2) en contient une et prévoit que l'«employeur professionnel» est celui «qui a à son emploi un ou des salariés visés par le champ d'application du décret» (art. 1 g)). La réforme de 1996 a modifié le texte de la loi pour référer au «champ d'application défini dans ce décret» plutôt qu'à la seule «nature» ou au «genre» de travail. Cela ne signifie pas que la nature du travail -- en l'espèce le ramassage, le transport et le déchargement de matières -- a été écartée au profit de l'activité économique de l'employeur comme facteur de détermination, mais simplement que les autres limites prévues au champ d'application du décret doivent être examinées.

Selon les parties, le critère pour déterminer si le ramassage, le transport ou le déchargement des matières s'effectuent ou non «pour autrui» au sens de l'article 2.02 du décret repose sur la question de savoir à qui bénéficie la prise en charge de la matière. Elles divergent toutefois sur le moment de l'évaluation de ce critère. Pour la Cour, il y a lieu de privilégier l'interprétation de l'appelant selon laquelle l'évaluation se fait lorsque celui qui génère les matières ou qui souhaite s'en départir profite du ramassage, du transport ou du déchargement.

L'intimée exerce ses activités dans l'industrie du recyclage, soit le secteur d'activité ciblé par le décret. De plus, comme la définition de «déchargement» comprend le traitement ou la valorisation des matières recyclables, le fait de soumettre l'intimée au décret ne peut constituer une extension horizontale de celui-ci. Enfin, et surtout, soumettre la détermination de l'application du décret à la prise en compte de l'ingénierie contractuelle -- en l’espèce, le transfert de propriété des matières -- permettrait à l'intimée d'y faire obstacle au gré de sa volonté unilatérale. Un tel résultat ne serait pas conforme à l'objectif de la loi, soit la protection de salariés vulnérables.

Le ramassage, le transport ou le déchargement des déchets solides sont effectués «pour autrui» dès lors qu'une entreprise offre la prise en charge de déchets produits ou en la possession de son client et dont ce dernier souhaite se départir.

 

Législation interprétée: article 2.02 du Décret sur l'enlèvement des déchets solides de la région de Montréal

 

 

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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