Cour d'appel du Québec

CFG Construction inc. c. R.

Hogue, Cotnam, Cournoyer

Appel d'une déclaration de culpabilité. Rejeté.

La compagnie appelante a été déclarée coupable de négligence criminelle causant la mort. La victime, un camionneur qui conduisait un camion appartenant à l’appelante, est décédé quand celui-ci s’est renversé dans un virage. La juge de première instance a considéré que l’omission d’entretien du camion et de ses freins constituait un écart marqué et important par rapport à la conduite d’une personne raisonnable.

Le jugement de première instance a été rendu avant l’arrêt de la Cour suprême du Canada R. c. Javanmardi (C.S. Can., 2019-11-14), 2019 CSC 54, SOQUIJ AZ-51644565, 2019EXP-3128, [2019] 4 R.C.S. 3, qui a précisé le cadre d’analyse de la négligence criminelle. L’interprétation de la juge, fondée sur l’arrêt de la Cour d’appel dans la même affaire (R. c. Javanmardi (C.A., 2018-05-31), 2018 QCCA 856, SOQUIJ AZ-51499093, 2018EXP-1521), était plus favorable à l’appelante que celle adoptée par la Cour suprême. En effet, contrairement aux principes qu’a appliqués la juge, c’est dans l’élément de faute et non dans l’actus reus que réside l’évaluation de l’acte ou de l’omission qui révèle une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Ainsi, la norme de la faute utilisée par la juge dans son analyse était grandement favorable à l’appelante dans la mesure où la juge s’est livrée au même exercice à 2 reprises: elle a procédé à l'évaluation de la conduite de l’appelante sous l’angle tant de l’insouciance déréglée et téméraire de l’entretien que de l’écart marqué et important. Or, une conduite téméraire ou déréglée constitue un écart marqué et important par rapport à la norme de la personne raisonnable. Il ne s’agit pas de 2 normes distinctes, comme l’a rappelé la Cour suprême dans Javanmardi.

De plus, la juge n’a pas accordé une attention indue à la conséquence dans l’application de la négligence criminelle. Le fait qu’elle a évalué l’écart marqué et important selon une «norme de prudence», et non selon la norme qu’une personne raisonnable respecterait dans la même situation, n’établit pas une erreur justifiant une intervention. Même si l’expression «norme de prudence» qu’emploie la juge de première instance n’est pas l’expression retenue par la jurisprudence, elle sous-tend la norme de la personne raisonnablement prudente placée dans les mêmes circonstances. Qui plus est, l’exigence de prudence pouvait être analysée par la juge puisque celle-ci fluctue selon l’activité exercée, comme le fait valoir Javanmardi.

Les moyens d'appel portant sur la recevabilité de déclarations de la victime rapportées par des témoins en contravention de la règle interdisant le ouï-dire ainsi que d'éléments constituant une preuve de propension sont rejetés.

Enfin, en ce qui concerne la demande de l'enquêteur visant à obtenir la documentation concernant l'appelante détenue par la Société de l'assurance automobile du Québec en vertu de l'article 59 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (RLRQ, c. A-2.1), même si elle constituait une fouille abusive, elle ne justifiait pas l’exclusion de la preuve.

En ce qui concerne la destruction de notes de l’enquêteur ayant précédé la rédaction de déclarations signées par des témoins et l’omission de prendre des notes sur les circonstances ayant trait à la rencontre des témoins, l’appelante n’a pas établi en l’espèce une telle atteinte à l’équité du procès ou à l’intégrité du système de justice qui démontrerait qu’il s’agit de l’un des cas les plus manifestes où la réparation exceptionnelle que constitue l’arrêt des procédures est justifiée.

 

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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