Cour d'appel du Québec

Bryant c. Benjamin

Mainville, Gagné, Beaupré

Demande pour permission d’appeler, demande de bene esse en prorogation du délai d'appel et appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant autorisé l'administration d'une preuve extrinsèque complémentaire. Accueillis.

Le créancier a obtenu un jugement rendu par un tribunal de la Caroline du Nord qui avait condamné le débiteur et sa société au paiement d’une somme de 840 860 $. Le débiteur a ensuite fait une proposition de consommateur en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (L.R.C. 1985, c. B-3). La Cour supérieure a reconnu le jugement de la Caroline du Nord et en a autorisé l’exécution. Le créancier soutient que le débiteur ne peut être libéré de la dette constatée dans ce jugement américain, et ce, conformément à l’exception à la libération prévue à l’article 178 (1) e) de la loi. La Cour supérieure a autorisé l’administration d’une preuve complémentaire extrinsèque afin de qualifier, aux termes de l’article 178 (1) e), la dette constatée par ce jugement étranger.

Les articles 31 (1) et 31 (2) des Règles générales sur la faillite et l’insolvabilité (C.R.C. 1978, c. 368) prévoient que l’appel ou, le cas échéant, la demande pour permission d’appeler est formé dans les 10 jours qui suivent le jour où est rendu l’ordonnance ou la décision du tribunal de première instance. Ce délai ne doit pas être calculé à compter de l’avis de jugement, conformément à l’article 360 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), mais plutôt à partir de la date de ce jugement. En effet, lorsqu’il y a incompatibilité entre la procédure d’appel prévue par la législation provinciale et le droit fédéral, c’est ce dernier qui doit prévaloir. Le critère fondamental pour déterminer s'il y a lieu de proroger ce délai est celui de l’intérêt de la justice, et plusieurs critères doivent être examinés afin de déterminer cet intérêt. Ces critères sont remplis en l'espèce.

Le jugement qui constate une dette et qui la qualifie, que ce soit explicitement dans ses motifs et ses conclusions ou implicitement à la lumière des procédures et de la preuve qui ont mené au jugement, bénéficie de l’autorité de la chose jugée dans la mesure où il est établi qu'il y a identité des parties, de cause et d’objet. Ainsi, lorsqu’un jugement constate qu’une dette résulte d’une fraude ou de fausses déclarations, explicitement ou implicitement, il lie le tribunal saisi de la qualification de cette même dette suivant l’article 178 (1) e) de la loi. Décider autrement équivaudrait à remettre en question le principe de la chose jugée.

Par ailleurs, lorsque le jugement constatant la dette ne traite ni explicitement ni implicitement du caractère frauduleux de celle-ci, on voit mal ce qui pourrait justifier de permettre à une partie de rouvrir un débat à ce sujet alors qu’il aurait dû être fait dans le cadre de l’instance ayant mené au constat de la dette. Ainsi, le tribunal qui qualifie la dette aux termes de l’article 178 (1) e) doit refuser qu'une preuve complémentaire extrinsèque à celle ayant été présentée au soutien du jugement constatant cette dette soit invoquée lorsque la fraude n’a pas été alléguée. Sauf dans de rares cas, lorsque la dette est constatée par un jugement, seuls ce dernier, les procédures et la preuve qui y ont mené sont pertinents dans le contexte de l’exercice de qualification que doit effectuer le tribunal conformément à l’article 178 (1) e).

Ainsi, en l’espèce, il y a lieu d’infirmer le jugement de première instance, la seule preuve recevable aux fins de la qualification étant le jugement de la Caroline du Nord et le matériel administré à son soutien.

 

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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