Cour d'appel du Québec

Bernard c. Collège Charles-Lemoyne de Longueuil inc.

Schrager, Cotnam, Sansfaçon

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande d’annulation des avis aux membres et des formulaires d'exclusion. Rejeté.

Les appelants ont été autorisés à exercer une action collective contre des établissements d’enseignement privés afin d'obtenir un remboursement partiel des frais de scolarité payés pour l’année scolaire 2019-2020, alors que les activités d’enseignement étaient suspendues en raison de la pandémie de la COVID-19. Le juge de première instance a approuvé l'avis aux membres, rédigé de concert par les parties, et il a ordonné sa diffusion à ces derniers par l’intermédiaire des canaux de communication utilisés habituellement par les établissements scolaires et les parents. Plusieurs des intimées ont fait parvenir une lettre aux parents -- dont le contenu s’avère similaire d’un établissement à l’autre --, dans laquelle elles invoquent des arguments à l’encontre de l’action collective et invitent les parents à s’en exclure. Certaines intimées ont même remis à ces derniers un formulaire d’exclusion à remplir et ont offert de s’occuper de son dépôt au greffe de la Cour supérieure. À l'échéance du délai, plus de 24 000 formulaires avaient été transmis au greffe.

Intérêt juridique des représentants du groupe

Les appelants, dont la demande vise à faire reconnaître que la procédure d’exclusion a été compromise par les interventions des intimées, possèdent l’intérêt requis pour saisir le tribunal. La question soulevée est susceptible de compromettre non seulement les droits et les intérêts des membres du groupe, mais aussi l’intégrité de l’action collective entreprise.

Le juge a-t-il erré en ne concluant pas au caractère inapproprié des communications litigieuses?

Non. La période d’exclusion est une étape critique du processus puisqu'elle scelle le sort des membres du groupe. D'une part, comme il a été énoncé dans Trottier c. Canadian Malartic Mine (C.A., 2018-06-27), 2018 QCCA 1075, SOQUIJ AZ-51506827, 2018EXP-1864, paragraphe 46, il importe «de préserver l’intégrité du mécanisme de l’action collective et de favoriser l’accès à la justice pour ceux qui n’en auraient pas les moyens, de maintenir le rapport de force entre les parties et d’assurer la dissuasion des comportements fautifs». D’autre part, il est important de veiller à la protection de la liberté d’expression des parties et de favoriser la libre circulation de l’information qui permettra aux membres de prendre une décision éclairée quant à leur participation à l’action collective. L’équilibre entre ces valeurs permet d'assurer l’intégrité du processus sans brimer indûment la liberté d’expression des parties. Les tribunaux peuvent sanctionner toute démarche assimilable à de la désinformation, à des menaces ou à une forme de coercition ou encore qui compromet d'une autre manière l’intégrité du processus d’exclusion.

Dans certaines circonstances, le fait qu’un défendeur profite de la transmission de l’avis pour s’adresser directement aux membres potentiels d'une action collective pourrait compromettre le processus d’exclusion. En l'espèce, le comportement des intimées se situe à la frontière de ce qui est acceptable. Cependant, il n’est pas possible de conclure que celles-ci se sont livrées à une forme d’intimidation, de menace ou de désinformation ou encore qu'elles ont fait de fausses déclarations. C’est davantage la démarche concertée, entreprise au cœur de la période d’exclusion, qui est préoccupante. Toutefois, il ne paraît pas opportun d’intervenir, la preuve ne permettant pas de conclure que les communications des intimées ont eu pour effet d’inciter certains parents à s’exclure, même si le nombre d'exclusions semble élevé.

Le juge a-t-il erré en rejetant la théorie des appelants basée sur les règles du mandat?

Non. L'article 580 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01) ne peut être interprété comme obligeant chaque membre à se rendre personnellement au greffe pour l’aviser de son intention de s’exclure. Le fait qu'un formulaire d'exclusion dûment rempli et signé soit ensuite remis à un membre, à l’une des intimées, à un huissier ou posté au greffe n’est pas pertinent.

 

Législation interprétée : article 580 du Code de procédure civile

 

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

Le fil RSS de la Cour d'appel vous permet d'être informé des récentes mises à jour.

Un fil RSS vous permet de vous tenir informé des nouveautés publiées sur un site web. En vous abonnant, vous recevrez instantanément les dernières nouvelles associées à vos fils RSS et pourrez les consulter en tout temps.


Vous cherchez un jugement?

Les jugements rendus par la Cour d'appel du Québec depuis le 1er janvier 1986 sont disponibles gratuitement sur le site internet de la Société québécoise d'information juridique (SOQUIJ): citoyens.soquij.qc.ca

Une sélection de jugements plus anciens, soit depuis 1963, est disponible, avec abonnement, sur le site internet de SOQUIJ : soquij.qc.ca