Cour d'appel du Québec

B c. X

Marcotte, Beaupré, Kalichman

 

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant condamné l'appelant à payer des dommages moraux et punitifs en raison des gestes de nature sexuelle commis à l'endroit de sa petite-fille. Accueilli en partie, avec dissidence.

L'appelant soutient que le juge de première instance a commis des erreurs révisables en accordant: i) 150 000 $ en dommages moraux à la victime plutôt que 100 000 $; 40 000 $ en dommages moraux à la mère plutôt que 15 000 $; et 75 000 $ en dommages punitifs à la victime plutôt que 25 000 $.

En ce qui concerne les dommages moraux, le juge souligne à bon droit que le nombre précis d’incidents importe peu. C’est de leur caractère répétitif et inexorable que découle le préjudice. D'autre part, contrairement à ce que soutient l’appelant, les sommes accordées ne sont pas excessives, eu égard à la jurisprudence en semblable matière. Celui-ci s’appuie sur des décisions qui sont antérieures à la décision phare rendue dans l’arrêt R. c. Friesen (C.S. Can., 2019-10-16), 2020 CSC 9, SOQUIJ AZ-51680674, 2020EXP-902, [2020] 1 R.C.S. 424, dans lequel la Cour suprême souligne que la société canadienne possède maintenant une meilleure compréhension du préjudice susceptible d’être causé par la violence sexuelle à l’égard des enfants.

Quant à l'attribution de dommages punitifs, la somme de 75 000 $ fixée par le juge est considérablement plus élevée que celles accordées précédemment par les tribunaux dans des situations similaires. En effet, avant le jugement entrepris, l'indemnité la plus élevée accordée était de 25 000 $.

En l’espèce, il est possible d’inférer que le raisonnement du juge repose, au moins en partie, sur l’affaire Friesen. Une telle lecture de cet arrêt est tout à fait justifiée, car la gravité de la faute est l’une des circonstances à prendre en compte dans l’évaluation des dommages punitifs (art. 1621 al. 2 du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64)). Ainsi, de la même manière que la compréhension approfondie de la société des effets néfastes de la violence sexuelle sur les enfants justifie un ajustement à la hausse des peines prononcées jusqu’à présent en matière criminelle, elle justifie également une augmentation des dommages punitifs accordés pour le même type de comportement afin de refléter la gravité de la faute.

Cependant, il n’y a pas de lien rationnel entre les 75 000 $ accordés à la victime et les objectifs qui sous-tendent l'attribution de dommages punitifs. Dans le présent cas, la somme de 37 500 $ est suffisante pour répondre à la fonction préventive de tels dommages, sans toutefois l’excéder. Une telle indemnité envoie le message clair qu’il y a lieu d’augmenter les dommages punitifs pour les sévices sexuels commis contre des enfants, sans pour autant contrevenir au principe de retenue imposé par le législateur. Elle permet également de tenir compte des sanctions déjà imposées à l’appelant pour les gestes commis, soit sa condamnation criminelle, son inscription au registre des délinquants sexuels ainsi que la perte de son poste de maire d’arrondissement et de la notoriété qui l’accompagnait.

Pour sa part, le juge Beaupré aurait rejeté le pourvoi. Selon lui, la somme de 75 000 $ est juste et appropriée et elle n’est entachée d’aucune erreur de droit. Elle découle de l'appréciation minutieuse de la preuve par le juge et n’est pas dénuée de tout lien rationnel avec les objectifs de prévention, de dissuasion et de dénonciation inhérents à la finalité des dommages punitifs. Cette indemnité, bien qu’elle soit élevée, ne l’est pas au point de choquer le sens de la justice au regard de l’ensemble des circonstances particulières de cette affaire. Par ailleurs, le juge n’a commis aucune erreur révisable en prenant en compte les enseignements de l’arrêt Friesen pour établir cette somme. 

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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