Cour d'appel du Québec

A.T. c. Sa Majesté le Roi

Bich, Beaupré, Cournoyer

Appel de verdicts déclarations de culpabilité. Accueilli; la tenue d’un nouveau procès est ordonnée.

L’appelant se pourvoit à l'encontre d'un jugement rendu par la Cour du Québec l’ayant déclaré coupable sous 10 des 13 chefs d’accusation portés contre lui, l’ayant acquitté sous 1 chef et ayant ordonné l’arrêt conditionnel des procédures sous 2 chefs. Il s’agit d’accusations notamment de voies de fait et d’agression sexuelle liées à une série de gestes que l’accusé aurait commis à l’endroit de son ancienne conjointe en 2007, puis en 2018 et en 2019.

L’appréciation de la crédibilité des témoins et des versions contradictoires de même que les motifs revêtent un degré d’importance accru en l’espèce, alors que le procès portait sur 12 événements distincts et éloignés dans le temps. Une justice criminelle garante de la confiance du public commande que les justiciables, et les accusés en particulier, ne doutent pas du fait que le juge saisi d’une affaire a apprécié les témoignages ainsi que la crédibilité des témoins de façon rigoureuse, impartiale et à l’abri de toute influence indue.

Or, en l’espèce, le jugement ne satisfait pas à ces exigences. Les motifs dénotent une confusion qui compromet l’intelligibilité du raisonnement du juge. En effet, celui-ci a importé sans réserve, lors du prononcé du jugement, l’extrait de la plaidoirie écrite de la poursuite concernant la question de la crédibilité de l’appelant. Ainsi, le jugement n’offre pas la garantie que le juge s’est formé une opinion de façon indépendante sur les contradictions dans la preuve et les questions en litige sur chacun des chefs d’accusation. De plus, la référence du juge au «comportement» de l’appelant lors de son témoignage laisse dubitatif.

En présence de versions contradictoires sur tous les événements délictuels, le juge devait indiquer au moyen d’une analyse suffisante et compréhensible comment il a tranché celles-ci, plutôt que de se limiter à arbitrer un concours de crédibilité. Par ailleurs, il a déclaré l’appelant coupable d’avoir menacé la plaignante avec un marteau en s’appuyant sur une admission de l’appelant qui ne ressort pourtant aucunement de la preuve. De plus, la décision du juge d’ordonner l’arrêt des procédures sous le chef no 11 en raison de la déclaration de culpabilité sous le chef no 8 suscite des questions dans la mesure où ces chefs concernent des gestes qui, bien qu'ils soient survenus de façon rapprochée dans le temps, sont distincts.

Par ailleurs, le jugement ne contient aucune présentation des 3 volets du cadre d’analyse établi dans R. c. W. (D.), (C.S. Can., 1991-03-28), SOQUIJ AZ-91111043, J.E. 91-603, [1991] 1 R.C.S. 742, et ce, malgré les contradictions entre les témoignages des uns et des autres, ni une analyse des contradictions dans le témoignage de la plaignante. Le juge relève certaines de ces contradictions, mais rien ne permet vraiment de comprendre comment il procède pour les interpréter en défaveur de l’appelant. Il ne pouvait non plus analyser de façon défavorable la crédibilité de l’appelant dans le cadre de son examen du premier chef d’accusation et régler ainsi le sort de sa crédibilité aux fins de l’analyse de chacun des autres chefs d’accusation. Ce faisant, le juge semble avoir imposé à l’appelant le fardeau de réfuter la version de la plaignante.

Enfin, le juge a souligné certains aspects de la vie de l’appelant qui laissent à penser que des préjugés défavorables au sujet de ses habitudes de vie et des éléments sans rapport avec les questions en litige ont aussi alimenté son raisonnement.

 

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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