Cour d'appel du Québec

Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales c. PG Québec

Schrager, Healy, Bachand

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande de pourvoi en contrôle judiciaire. Rejeté.

La Loi sur le processus de détermination de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et sur leur régime de négociation collective (RLRQ, c. P-27.1) prévoit qu'il appartient à un comité de rémunération autonome d'évaluer, tous les 4 ans, divers éléments de cette rémunération. Le comité rédige ensuite un rapport dans lequel il formule ses recommandations. Il le remet au gouvernement, qui le dépose à l'Assemblée nationale en ayant la possibilité de lui faire des recommandations quant au bien-fondé des recommandations contenues dans le rapport. L'Assemblée nationale peut, au moyen d'une résolution motivée, approuver, modifier ou rejeter les recommandations.

Un comité de rémunération a été formé pour le cycle de 4 ans s'étendant du 1er avril 2019 au 31 mars 2023. Dans le rapport rendu, il y a eu désaccord entre les 3 membres du comité. Les 2 membres majoritaires ont recommandé une augmentation supérieure à celle proposée par le membre dissident. Au moment de déposer le rapport à l'Assemblée nationale, le gouvernement a expliqué les motifs de son désaccord avec les membres majoritaires du comité et a proposé de donner effet à la recommandation du membre dissident. L'Assemblée nationale a adopté une résolution faisant siennes la position et les justifications du gouvernement exposées dans sa réponse. La Cour supérieure a rejeté la demande de contrôle judiciaire de l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales à l’égard de la résolution de l'Assemblée nationale et de la réponse du gouvernement.

La norme d’intervention applicable en appel d’un contrôle judiciaire est celle énoncée dans l’arrêt Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), (C.S. Can., 2013-06-20), 2013 CSC 36, SOQUIJ AZ-50978691, 2013EXP-2099, J.E. 2013-1121, [2013] 2 R.C.S. 559. Selon ce cadre d’analyse, il faut vérifier si la première instance a utilisé la norme de contrôle appropriée et si elle l’a appliquée correctement. Le juge de première instance ne pouvait appliquer la norme de la décision raisonnable prévue dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov (C.S. Can., 2019-12-19), 2019 CSC 65, SOQUIJ AZ-51654335, 2020EXP-27, [2019] 4 R.C.S. 653. La réponse du gouvernement et la résolution de l’Assemblée nationale sont des actes de la législature, et non des actes de l’administration. Le juge a estimé que la légitimité du contrôle énoncé dans l’arrêt Assoc. des juges de la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick  c. Nouveau-Brunswick (Ministre de la Justice); Assoc. des juges de l'Ontario c. Ontario (Conseil de gestion); Bodner c. Alberta; Conférence des juges du Québec c. Québec (Procureur général); Minc c. Québec (Procureur général), (C.S. Can., 2005-07-22), 2005 CSC 44, SOQUIJ AZ-50324583, J.E. 2005-1362, [2005] 2 R.C.S. 286 (Bodner), prend sa source dans le principe constitutionnel de l’indépendance de la magistrature et que les procureurs aux poursuites criminelles et pénales (PPCP) jouissent d’une indépendance constitutionnelle comparable. Il a déterminé que la norme issue de Bodner était applicable. Or, la logique et la jurisprudence appuient sa conclusion.

En supprimant le droit de grève des PPCP, le gouvernement avait l’obligation de remplacer ce droit par un véritable mécanisme de règlement des différends. Il a choisi d’établir un mécanisme semblable à celui applicable à la détermination de la rémunération des juges. Or, l’application d’une norme moins exigeante que celle établie dans Bodner n’est pas justifiée, et ce, même si les 2 mécanismes n’ont pas la même source juridique. En l’espèce, le test établi dans Bodner peut être reformulé ainsi: 1) Le gouvernement a-t-il justifié par un motif légitime sa décision de s’écarter des recommandations de la commission? 2) Les motifs invoqués par le gouvernement ont-ils un fondement factuel raisonnable? 3) Dans l’ensemble, le mécanisme d’examen par une commission a-t-il été respecté et les objectifs de recours à une commission, à savoir offrir un véritable et efficace moyen de règlement des différends ainsi que dépolitiser la fixation de la rémunération des PPCP, ont-ils été atteints? Le juge de première instance a correctement appliqué la norme décrite dans Bodner. Lors de son examen des motifs du gouvernement, il pouvait les analyser globalement et revoir leur ordre de présentation aux fins du contrôle judiciaire. De plus, il n’a commis aucune erreur révisable en appliquant cette norme.

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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