Cour d'appel du Québec

A.B. c. Clercs de Saint-Viateur du Canada

Schrager, Healy, Baudouin

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande d'approbation d'une entente de règlement et d'honoraires professionnels intervenue dans le cadre d'une action collective entreprise contre une communauté religieuse au nom de victimes d'agressions sexuelles. Accueilli.

Le juge de première instance a analysé le caractère juste et raisonnable de l'entente conclue entre les parties à la lumière des critères établis par la jurisprudence. S'estimant lié par le caractère indivisible de la transaction, il a refusé d'approuver l'entente de règlement au motif que les honoraires prévus pour les avocats des membres, soit 25 % du fonds de règlement de 28 millions de dollars, taxes en sus, étaient déraisonnables.

Le juge a commis une erreur de droit révisable en concluant que son refus d'approuver les honoraires réclamés entraînait inéluctablement le rejet de l'entente de règlement, certaines dispositions de l'entente prévoyant que la transaction devait être approuvée dans son intégralité sous peine de nullité. En effet, la lecture de l'ensemble des dispositions de l'entente et de l'article 593 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01) (C.p.c.) permet de constater que le pouvoir du juge de fixer le montant des honoraires y est expressément prévu.

D'autre part, le juge de première instance a accordé une importance démesurée au temps consacré au dossier par les avocats dans son évaluation du caractère juste et raisonnable des honoraires réclamés par ces derniers. La convention d’honoraires conclue par le représentant lie les membres de l'action collective et bénéficie d’une présomption de validité. Le processus d’analyse de la raisonnabilité des honoraires fixés par une convention à pourcentage devrait débuter non pas par le temps consacré à l'affaire, mais plutôt par l’évaluation de tous les critères prévus au Code de déontologie des avocats (RLRQ, c. B-1, r. 3.1) et la prise en compte du risque assumé par les avocats. Si le montant (et non le pourcentage) des honoraires payable est raisonnable, l’analyse peut s’arrêter dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge. Par contre, si le montant des honoraires semble déraisonnable, il convient dès lors de prendre en compte les heures consacrées au dossier et d’appliquer un facteur multiplicateur pour ajuster celui-ci.

En l'espèce, le juge a erré de manière manifeste et déterminante en refusant d’approuver l’entente et de fixer le montant des honoraires, compte tenu des termes de l'entente et de l’article 593 C.p.c. Il n'est cependant pas nécessaire de déterminer si le juge a exercé son pouvoir discrétionnaire à l'égard des honoraires de manière abusive ou déraisonnable. En effet, celui-ci a reconnu l'expertise des avocats, leur engagement envers les membres, la qualité de leur travail, le risque assumé et le résultat obtenu. Ces constatations du juge afférentes aux critères d’évaluation des honoraires autres que le temps consacré au dossier par les avocats permettent de conclure que le montant des honoraires maintenant réclamé par les avocats des membres, soit 20 % du fonds de règlement, est raisonnable. L’application du modèle du facteur multiplicateur confirme d'ailleurs la raisonnabilité des honoraires de 5,6 millions de dollars, taxes et débours en sus.

Enfin, les honoraires de l'amicus curiae, nommé pour faire contre-poids aux prétentions des parties dans le contexte où le seul membre dissident ne pouvait pas participer au débat, doivent être payés par les membres, et donc déduits du fonds de règlement de l'action collective.

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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