Cour d'appel du Québec

3351 Gouin Est inc. c. Groupe Immo Oikos inc.

Mainville, Sansfaçon, Baudouin

Appels d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie une demande en injonction permanente. L’appel principal est rejeté et l’appel incident est accueilli à la seule fin de modifier une conclusion.

L’appelante est propriétaire d’un terrain bordé par ceux des intimées et par l’emprise d'un boulevard. Les 3 terrains servent à la fois de fonds dominants et de fonds servants pour 3 servitudes mutuelles qui ont été établies en 1972, soit une servitude de passage, une servitude de vue et une servitude de non-construction. L’appelante envisage de construire une tour d’habitation avec un garage souterrain sur son terrain, ce à quoi les intimées se sont opposées.

La juge de première instance a conclu que l’appelante pouvait procéder à la construction d’un stationnement souterrain dans l’assiette des servitudes, mais qu’elle ne pouvait réaliser les travaux envisagés dans la mesure où la servitude de passage ne sera pas aussi commode durant les travaux requis.

La juge a commis une erreur mixte de droit et de fait lorsqu’elle a conclu que la servitude de passage était la servitude dominante et que, en conséquence, la servitude de non-construction devait être interprétée comme lui étant accessoire. En fait, bien qu’il faille favoriser une interprétation restrictive des charges qui grèvent un fonds lorsqu’on interprète un acte de servitude, on ne peut ni stériliser les termes de l’acte constitutif de servitudes ni conférer un effet à ces termes. La servitude de non-construction devait être interprétée selon ses termes, tels qu'ils sont stipulés à l’acte constitutif, lesquels sont clairs en ce qu’ils prohibent tout genre de bâtiment, construction ou structure ainsi que l'existence d'arbres ou la présence de tout autre objet. Même si un ouvrage souterrain n'était pas prohibé sous l’assiette de la servitude, il reste que la réalisation d’un tel ouvrage entraînerait une contravention à la servitude de non-construction.

Les dispositions invoquées par l’appelante ne permettent pas d’entreprendre les travaux envisagés dans l’assiette des servitudes. D’une part, bien que l’article 1186 alinéa 2 du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64) (C.C.Q.) permette le déplacement de l’assiette d’une servitude dans certaines circonstances, le critère de commodité prévu à cet article y fait obstacle en l’espèce. En effet, contrairement à la servitude de passage, qui est une servitude discontinue, la servitude de non-construction, qui est une servitude continue, ne requiert pas le fait actuel de son titulaire, ce qui rend sans objet le critère de la commodité. D’autre part, le recours fondé sur l’article 976 C.C.Q., qui stipule que les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage, demeure avant tout un droit de créance appartenant à une personne -- et non à un fonds -- et opposable à une autre personne -- et non à un autre fonds. Ainsi, elle ne peut être invoquée par celui qui cause l’inconvénient afin de stériliser un droit réel, telle une servitude de passage, et encore moins une servitude de non-construction. Enfin, le droit d’échelage prévu à l’article 987 C.C.Q., qui autorise l’empiétement temporaire lorsque cela est nécessaire à des fins d’entretien, ne comprend pas le droit d’ériger des structures permanentes dans le fonds voisin puisqu’il ne doit s’agir que d’une atteinte minimale et temporaire à la propriété du voisin.

Enfin, même en faisant abstraction de la servitude de non-construction, comme l’a fait la juge, il aurait fallu conclure que la servitude de passage ne pouvait être déplacée et réduite en vertu de l’article 1186 alinéa 2 C.C.Q., le critère de commodité n’étant pas rempli.

 

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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