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Bellemare c. Sa Majesté le Roi

Pénal – caractère volontaire de déclarations extrajudiciaires aux policiers – absence d'enregistrement – directives au jury – disposition réparatrice

 

Appel d'une déclaration de culpabilité. Rejeté. 

L’appelant a été déclaré coupable par un jury d’avoir enlevé une adolescente de 12 ans, de l’avoir séquestrée et d’avoir commis une extorsion. 

L’arrêt O'Reilly c. R. (C.A., 2017-08-30), 2017 QCCA 1283, SOQUIJ AZ-51420812, 2017EXP-2527, n'a pas énoncé une nouvelle règle qui modifie le fardeau de la preuve incombant toujours à la poursuite de démontrer hors de tout doute raisonnable le caractère volontaire d’une confession. L’absence d’un enregistrement électronique d’un interrogatoire est susceptible de soulever un doute raisonnable sur le caractère volontaire de la déclaration d’un suspect. 

Le juge de première instance a erré en droit dans l’évaluation du caractère volontaire des déclarations extrajudiciaires obtenues de l’appelant durant un interrogatoire de plus de 15 heures dont la portion la plus cruciale, celle où il a avoué sa culpabilité et rédigé une lettre d’excuses à la victime, n’a pas été enregistrée.

Le juge a affirmé que l’appelant était en pleine possession de ses moyens et disposait d’un état d’esprit conscient, mais il a omis de considérer son état psychologique suicidaire proche de la désorganisation au moment où l’enregistrement de l’interrogatoire a cessé, près de 13 heures après avoir commencé. À sa demande, les policiers ont alors permis à l'appelant de se promener dans une autre salle; ils ont choisi, malgré l’état de vulnérabilité psychologique de l’appelant, de poursuivre l’interrogatoire, à un moment décisif, dans une salle ne disposant d’aucun équipement pour l’enregistrer. Se pose alors la question de savoir si l’effondrement émotionnel qu'ils ont observé a privé l'appelant de son état d’esprit conscient; cette interrogation doit être résolue sans le bénéfice d’un enregistrement. 

Le choix de ne pas enregistrer la continuation de l’interrogatoire relevait entièrement des policiers et non de l’appelant. La conclusion du juge ne tient pas compte de la portée de certaines conclusions de la Cour suprême du Canada au sujet des interrogatoires de suspects. Le juge devait tenir compte de la vulnérabilité de l’appelant, qui se trouvait en situation défavorable par rapport à l'État; aussi, il importait de considérer le droit de la police, qui contrôlait alors l’ensemble de la situation, de poser des questions. On ne saurait imputer à l’appelant la responsabilité de l’absence d’un enregistrement vidéo. 

L’appréciation de la preuve par le juge est fondée sur un principe juridique erroné. De plus, rien n’empêchait les policiers de retourner dans la salle équipée pour enregistrer après une pause ou d'enregistrer les propos de l’appelant au moyen de leurs téléphones. Le dossier n’explique pas pourquoi l'une de ces solutions n’a jamais été sérieusement envisagée. 

Il peut exister des situations où un suspect demande aux policiers de ne pas enregistrer un interrogatoire. Or, en l'espèce, il n’y a aucune preuve que l’appelant a demandé de ne pas enregistrer la continuation de son interrogatoire ni aucune conclusion du juge à cet égard. L’appelant ne contrôlait pas son interrogatoire. 

Quant à la conclusion du juge au sujet de la rédaction des lettres d’excuses, cette rédaction ne résolvait pas la question de l’absence d’enregistrement vidéo; ce sont les circonstances ayant conduit aux déclarations et à la rédaction des lettres qui importaient. Le juge ne s’est pas non plus interrogé sur la qualité et l’exhaustivité des notes policières de la portion non enregistrée de l’interrogatoire. Ainsi, il a mal appliqué le cadre juridique qui encadrait son analyse, a omis de considérer certains éléments et a insuffisamment motivé sa décision sur les aspects cruciaux de l'analyse. 

Par ailleurs, une directive au sujet de l’absence d’un enregistrement vidéo des aveux de l’appelant s'imposait dans l’exposé au jury et l’omission de le faire constituait une erreur sérieuse. 

Néanmoins, il convient d’appliquer la disposition réparatrice puisque le verdict aurait été le même. La preuve établissant la culpabilité de l’appelant, même si l'on exclut ses déclarations et la lettre d’excuses, est écrasante.

 

Texte intégral de la décision : https://citoyens.soquij.qc.ca