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Bolton c. La Presse ltée

Responsabilité - diffamation - chorégraphe - article de journal - dénonciation - comportement inapproprié - normes journalistiques - enquête

 

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande en diffamation ainsi qu'en réclamation de dommages-intérêts, de dommages moraux et punitifs. Rejeté.

L’appelant est un chorégraphe connu mondialement. Le 12 décembre 2017, l'intimée, La Presse ltée, a publié un article rédigé par les journalistes intimées Gagnon et Vallet, intitulé «Pluie de dénonciations contre un chorégraphe vedette». L'appelant affirme que cet article est diffamatoire à son endroit puisqu'il amène le lecteur à conclure qu’il est un homme abusif et violent qui maltraite les enfants.

La juge de première instance a conclu que l’article en cause était d’intérêt public, particulièrement en 2017, avec la montée du mouvement social #moiaussi, alors que certains comportements tolérés par le passé dans les milieux de travail ne l’étaient plus. Selon la juge, la collecte d’informations et le processus d’enquête des journalistes étaient complets et objectifs et celles-ci n’ont pas commis de faute à cet égard. Le pourvoi porte sur la notion de «faute journalistique». 

Lorsqu’il est question du travail journalistique, la véracité de l’information et la notion d’«intérêt public» constituent des éléments pertinents pour déterminer s’il y a eu faute. Le facteur déterminant réside cependant dans le respect des normes journalistiques; la norme objective pour faire l'analyse de la faute est celle du journaliste raisonnable. Or, la juge n’a pas établi de nouveaux standards journalistiques pour les reportages de type #moiaussi. Cette méthodologie, qui a vu le jour en 2017, s’ajoutait aux normes et pratiques journalistiques déjà existantes. 

L’absence de parti pris est une valeur reconnue dans les normes journalistiques adoptées par différentes organisations. En l'espèce, la juge a noté que les paroles suivantes prononcées par la journaliste Vallet étaient regrettables et préoccupantes: «On ne publiera rien tant que le dossier ne sera pas assez solide pour qu’il ne travaille plus.» Cependant, elle a ajouté que les règles de l’art avaient été suivies et que ces commentaires malheureux ne ternissaient pas l’intégrité de l’enquête. 

D'autre part, la juge était la mieux placée pour déterminer si les journalistes avaient manqué d’équité, d’impartialité et d’esprit critique. Elle a traité de chacun des arguments de l'appelant reprochant aux journalistes d’avoir sciemment négligé de prendre en compte le manque de fiabilité des sources qui lui étaient défavorables et d’avoir effectué une sélection partielle des sources et des informations rapportées. À cet égard, la juge a conclu que les journalistes ne s'étaient pas limitées uniquement aux paroles des 5 plaignantes citées à visage découvert. Son analyse est exempte d’erreur révisable.

En ce qui concerne le respect de l’anonymat de plusieurs sources, l’information était d’intérêt public et les sources dont les journalistes ont préservé l’anonymat étaient susceptibles de subir des préjudices si leur identité était révélée. La juge a constaté que les plaintes déposées par les danseuses portaient essentiellement sur les abus et le contrôle exercés par l'appelant. L’Union des artistes avait jugé ces plaintes crédibles et avait déclenché une vigie accrue sur tous les plateaux où avait travaillé ce dernier. La juge n'a donc pas erré en concluant que la décision des journalistes d’offrir la confidentialité aux sources était raisonnable et justifiée.

Enfin, dans l'analyse d'une faute journalistique découlant du traitement de l'information, le critère déterminant est celui de l’impression générale laissée par la publication. Cette analyse s’effectue à la fin du processus d’évaluation de la faute. Il faut alors examiner globalement la teneur du reportage, sa méthodologie et son contexte. En l'espèce, la juge a estimé que les journalistes n’avaient pas gonflé les incidents ni déformé la réalité et que les sous-titres n'étaient pas trompeurs. Elle a insisté sur la corroboration des faits et a conclu que les informations présentées dans l’article découlaient d’une enquête complète, exhaustive et minutieuse. Elle n’a pas commis d’erreur révisable.

 

Texte intégral de la décision : https://citoyens.soquij.qc.ca