Malogrosz c. Sa Majesté le Roi
Appel d'une déclaration de culpabilité. Rejeté.
L’appelant a été déclaré coupable de voies de fait causant des lésions corporelles et de transmission non consensuelle d’une image intime. Celle-ci consistait en un égoportrait de la victime, montrant le haut de son corps, à partir de son menton jusqu’au haut de ses cuisses, entièrement dévêtu. Un bras est placé de manière à cacher ses seins; compte tenu de l’éclairage, il n’est pas possible de discerner ses organes génitaux. Cette image était présente dans une vidéo envoyée par l'appelant à une amie de la victime.
Concernant l'appréciation des témoignages, l'appelant qualifie à tort d’erreurs de droit des conclusions de fait qu’il n’a pas été autorisé à remettre en question dans le cadre du pourvoi. Ses arguments sont donc irrecevables. Au surplus, il n'a démontré aucune erreur manifeste et déterminante.
Quant à la notion d’«image intime», la juge de première instance a eu raison de conclure que l'article 162.1 (2) a) du Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46) (C.Cr.) contient une énumération disjonctive; il suffit donc qu’une image présente une personne nue pour être visée par cette disposition. Toute ambiguïté que l’on pourrait déceler dans le libellé de la version française se dissipe à la lecture de la version anglaise. De plus, retenir la thèse contraire à celle du juge introduirait une incohérence entre la définition d’«image intime» et les situations visées par l’infraction de voyeurisme (art. 162 (1) C.Cr.), dont le libellé est sans ambiguïté.
Le terme «nu», à l’article 174 (1) C.Cr. (soit l'infraction de nudité dans un endroit public), signifie «complètement nu» (R. c. Verrette (C.S. Can., 1978-05-01), SOQUIJ AZ-78111137, [1978] 2 R.C.S. 838). Sauf si le contexte s’y oppose clairement, un mot doit être interprété de la même façon tout au long d’un texte législatif. Cette présomption d’uniformité d’expression est cependant réfragable. En l'espèce, l'absence, à l’article 162.1 C.Cr., d'une disposition déterminative comparable à celle de l'article 174 (2) C.Cr. change la donne. S’il fallait interpréter «nue» comme n’incluant que les situations de nudité totale, il s’ensuivrait, par exemple, qu’une image montrant une personne vêtue uniquement de pantalons baissés jusqu’aux genoux et cachant ses organes génitaux et ses seins avec ses mains ne constituerait pas une image intime, alors qu’une image montrant la même personne adoptant la même pose, mais étant entièrement dévêtue, tomberait dans le champ d’application de l'article 162.1 (2) C.Cr. Or, lorsqu’on tient compte des intérêts que cherche à protéger le législateur, on réalise qu’il serait absurde de qualifier différemment ces 2 images. Limiter la notion de «nudité» à la situation d’une personne complètement dévêtue aurait donc pour effet de restreindre de manière arbitraire la portée de l’infraction.
Il s’ensuit que, en l’espèce, on ne peut conclure à l’inapplicabilité de l’article 162.1 (2) a) C.Cr. à l’image litigieuse au seul motif qu’on n’y voit pas le corps entièrement dénudé de la victime. La question est plutôt de savoir si cette dernière y est suffisamment dévêtue pour que l’on puisse la considérer comme étant «nue» au sens de cette disposition. Quel que soit le critère applicable, la Cour n'a aucune difficulté à conclure qu’il est rempli puisque, du point de vue de l’atteinte potentielle à l’intimité, à l’intégrité, à l’autonomie et à la dignité de la personne en cause, on ne voit pas de différence importante entre une image la montrant entièrement dévêtue et l'image litigieuse la montrant dévêtue à partir du haut des cuisses. La juge a donc eu raison de conclure que l’image litigieuse constitue une image intime.
Législation interprétée : article 162.1 (2) a) C.Cr.
Texte intégral de la décision : https://citoyens.soquij.qc.ca