Cour d'appel du Québec

McGill University c. Kahentinetha

Doyon, Gagné, Hardy

 

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie une demande d’ordonnance de sauvegarde. Accueilli.

À la suite de la relocalisation des activités de l’Hôpital Royal Victoria, en 2015, la Société québécoise des infrastructures (SQI) a entrepris d’importants travaux de requalification du site de l’ancien hôpital et de l’ancien Institut Allan Memorial. Soupçonnant que le site pourrait contenir des sépultures d’enfants autochtones, les intimées, issues de la nation mohawk, ont intenté un recours contre les appelantes visant notamment à faire cesser les projets de rénovation du site. Le juge de première instance a accueilli en partie la demande d’injonction interlocutoire et a ordonné aux appelantes de suspendre les travaux d’excavation jusqu’à ce que les parties aient achevé leurs discussions concernant les fouilles archéologiques devant être réalisées.

Le 6 avril 2023, après des négociations intensives, les parties ont signé une entente mettant fin au volet injonctif de la demande des intimées. Cette transaction, qui prévoyait notamment la nomination d’un panel d’archéologues dont le mandat consistait à déterminer les techniques archéologiques à utiliser, a été homologuée. À l’été 2023, un désaccord est survenu entre les parties à l’égard du rôle du panel selon l’entente. Dans le cadre d’une conférence de gestion, les intimées ont exprimé leur insatisfaction quant à la mise en oeuvre de l’entente. Elles ont alors déposé une demande, laquelle a donné lieu au jugement entrepris.

Le juge de première instance a ordonné aux appelantes de se conformer à l’entente de règlement et d’être guidées par les recommandations du panel d’archéologues. Les appelantes lui reprochent notamment d’avoir erré sur les critères de l’apparence de droit et du préjudice sérieux ou irréparable. Elles font également valoir que l’ordonnance de sauvegarde rendue par le juge n’a pas de lien avec les conclusions recherchées au fond, qu’elle n’est pas susceptible d’exécution et qu’elle équivaut à une injonction structurelle.

Il n’est pas nécessaire de traiter de l’ensembles des arguments invoqués par les parties. Le juge s’est mépris sur l’étendue de son pouvoir de rendre des ordonnances de sauvegarde. Le fait qu’il ait été saisi de la demande des intimées à titre de juge gestionnaire de l’instance ne signifie pas que sa décision est une mesure de gestion et n’a pas pour effet de lui accorder des pouvoirs qu’il n’aurait pas autrement.

Sous le couvert d’une mesure de gestion de l’instance, il a déterminé les droits des parties selon l’entente et s’est arrogé un pouvoir de surveillance de l’application de celle-ci sans véritable débat au fond. Sa décision va bien au-delà d’une mesure de gestion de l’instance. Saisi d’un désaccord entre les parties sur l’étendue du rôle du panel, il a interprété l’entente et a ordonné aux appelantes de s’y conformer. Il a ainsi déterminé les droits des parties selon l’entente.

L’ordonnance rendue s’apparente aussi à une injonction structurelle, soit un remède qui ne peut être accordé qu’en présence de circonstances impérieuses et seulement après que la portée des droits en cause a fait l’objet d’une décision définitive.

Enfin, l’ordonnance n’est pas susceptible d’exécution. Elle n’indique pas clairement aux appelantes ce qu’elles doivent accomplir pour s’y conformer. Cela risque d’entraîner des difficultés d’interprétation et d’application, en plus d’exposer les appelantes à une citation pour outrage au tribunal.

Il s’agit donc de l’un des rares cas où la Cour est fondée à exercer sa compétence de révision en matière d’ordonnance de sauvegarde.

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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