Cour d'appel du Québec

Investissements So-Bel inc. c. Kutschera

Doyon, Healy, Beaupré

 

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie une demande en passation de titre et en réclamation de dommages-intérêts et ayant rejeté une demande en radiation d'un avis de préinscription. Accueilli.

Le 25 août 2015, l'appelante a accepté la promesse d'achat de l'intimé Kutschera visant la vente de ses terrains au prix de 10,7 millions de dollars. Ce dernier a par la suite cédé tous ses droits et obligations aux termes de la promesse à la Fiducie Alfa, intimée.

L'acte de vente devait initialement être signé le 20 février 2016. À la demande de l'intimée, qui n'avait pas les fonds nécessaires pour conclure la transaction, l'appelante a d'abord accepté de reporter la date au 30 mars suivant, puis au 15 août. D'autres modifications à la promesse d'achat ont aussi été convenues, dont le paiement d'une pénalité de retard et d'un acompte supplémentaire non remboursable. Tous les délais ont aussi été stipulés comme étant de rigueur. L'intimée n'ayant pas respecté le délai de rigueur pour la signature de l'acte de vente et l'obtention du financement, l'appelante a jugé qu'elle n'était plus liée par la promesse. L'intimée a alors intenté un recours en passation de titre afin d'être déclarée propriétaire des terrains. Elle a aussi réclamé le remboursement des frais d'intérêts payés pour obtenir le financement ainsi que des dommages-intérêts. Elle prétend qu'elle avait jusqu'au 2 septembre 2016 pour conclure l'acte de vente et qu'elle disposait, à cette date, du financement nécessaire. La juge de première instance lui a donné raison et elle lui a accordé 147 000 $ pour les frais d'intérêts accumulés sur son prêt.

La juge a commis une erreur révisable en concluant que l'appelante ne pouvait opposer le délai de rigueur du 15 août 2016 à l'intimée. Elle a omis de tenir compte de plusieurs éléments de preuve importants. En effet, le comportement des parties démontre clairement qu'elles considéraient ce délai comme étant de rigueur. La juge a aussi erré en concluant que l'appelante avait été déraisonnable en exigeant que la transaction, déjà reportée à 2 reprises à la demande de l'intimée en raison de son incapacité de respecter ses obligations, soit conclue le 15 août 2016, conformément au délai qualifié de rigueur par les parties elles-mêmes. Le simple refus de l'appelante d'accorder à l'intimée un délai supplémentaire ne constitue pas non plus une preuve de sa mauvaise foi.

Quant aux erreurs dans le projet d'acte de vente relativement au calcul des pénalités et de l'intérêt, elles auraient pu être corrigées devant le notaire et ne faisaient pas obstacle à la signature de l'acte de vente. À l'instar de 9393-0154 Québec inc. c. 9206-5721 Québec inc. (C.A., 2022-11-29), 2022 QCCA 1612, SOQUIJ AZ-51898483, 2022EXP-3133, il s'agit d'une non-conformité de forme, sans importance, qu'une partie ne peut invoquer pour échapper à son obligation de respecter la parole qu'elle a donnée.

En outre, contrairement à ce qu'a retenu la juge, l'appelante n'a pas tenté de se défiler de la vente. L'insistance, voire la pression, qu'elle a mise sur l'intimée pour s'assurer qu'elle soit en mesure de clore la transaction à la date ultime convenue ne peut être assimilée à un «prétexte» pour refuser de passer titre, et encore moins à de la mauvaise foi.

La juge a aussi commis une erreur de droit en condamnant l'appelante à payer des dommages-intérêts de 147 000 $ pour un préjudice qui n'est pas attribuable à sa faute et qui, au surplus, est indirect et imprévisible.

Enfin, l'absence, dans le projet d'acte de vente présenté à l'appelante pour signature, d'une clause résolutoire prévue expressément en sa faveur dans la promesse d'achat n'était pas sans conséquence. Cette clause était une condition de fond essentielle à la rencontre des volontés. La juge ne pouvait avaliser le comportement fautif de l'intimée et lui permettre de déposer, lors de l'instruction, une nouvelle version de l'acte de vente proposé afin d'y réintégrer cette clause résolutoire.

 

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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