Cour d'appel du Québec

Communauté Droit animalier Québec - DAQ c. Festival Western de St-Tite inc.

Doyon, Ruel, Bachand

 

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande en jugement déclaratoire et en injonction permanente. Rejeté.

L’appelante, un organisme dont la mission porte sur l’avancement du droit animalier au Québec, cherche à faire déclarer illégales et à faire cesser les activités de prise de veau au lasso et de terrassement du bouvillon au rodéo organisées par l’intimée, qu’elle estime cruelles et contraires aux dispositions de la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal (RLRQ, c. B-3.1). Le juge de première instance a conclu que l’appelante ne pouvait se voir reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public pour introduire une telle demande. Bien que l’appelante possède un intérêt réel et véritable quant au respect des dispositions de la loi, elle n’a pas démontré l’absence d’un autre moyen efficace de soumettre la question au tribunal.

L’affaire soulève la question de savoir si le juge a commis une erreur de droit dans son appréciation du troisième critère prévu à l’arrêt Canada (Procureur général) c. Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society (C.S. Can., 2012-09-21), 2012 CSC 45, SOQUIJ AZ-50896130, 2012EXP-3353, J.E. 2012-1793, [2012] 2 R.C.S. 524, plus particulièrement si le recours d’intérêt public proposé respecte le principe de la légalité.

Si le juge a effectivement restreint la portée du troisième critère de l’alinéa 2 de l’article 85 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), il a adéquatement tenu compte du caractère privé du litige proposé ainsi que des enjeux d’accès à la justice et d’économie des ressources judiciaires. En effet, le recours d’intérêt public proposé par l'appelante ne respecte pas le principe de la légalité. Il ne soulève aucune question de droit constitutionnel, aucun pouvoir réglementaire n’est invoqué comme source du litige et les actions ou omissions d’une entité étatique ne sont pas en cause. Par ailleurs, le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), qui détient de larges pouvoirs réglementaires pour assurer le bien-être et la sécurité des animaux dans divers contextes, n’est pas partie au litige et n’a pas été mis en cause.

Quant à l’argument de l’appelante selon lequel la qualité pour agir dans l’intérêt public devrait lui être reconnue en vue de contraindre l’intimé à respecter une loi d’ordre public, il ne peut être retenu. Une telle conclusion ouvrirait la porte à tout recours entrepris par quiconque à l’encontre de gestes effectués par toute personne physique ou morale contrevenant à une loi donnée.

En outre, le recours proposé ne vise pas à favoriser, dans une optique d’accès à la justice, les intérêts de personnes défavorisées ou marginalisées qui n’auraient autrement pas accès aux tribunaux pour faire contrôler des actions étatiques, alors que les animaux sont assujettis au régime juridique des biens. En l’espèce, aucune question de droit public transcendant l’intérêt des parties qui sont les plus directement touchées n'est soulevée, il existe d’autres moyens efficaces de soulever la question et l’appelante n’est pas directement visée.

Enfin, il faut considérer l’existence d’un régime réglementaire et d’un organisme de réglementation, le MAPAQ, détenant tous les pouvoirs requis en application de la loi pour répondre aux questions soulevées par l’appelante en lien avec la protection des animaux. La loi constitue un cadre réglementaire complet et exhaustif en matière de protection des animaux. Dans ce contexte, le recours proposé par l’appelante ne constitue pas une manière raisonnable et efficace de saisir les tribunaux; le législateur et les organes exécutifs sont mieux placés qu'eux pour effectuer la pondération des considérations possiblement contradictoires que comportent le statut et la protection des animaux.

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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